Yannick Bouts: “Le grand défi est de trouver des personnes capables de prendre la relève”

Yannick Bouts (45) s’apprête à entamer sa troisième haute saison en tant que general manager de La Réserve Resort à Knokke. En été, près de 200 personnes travaillent sous sa direction, et il n’hésite pas se retrousser les manches. Malgré les nuages sombres au-dessus du secteur de l’horeca, Yannick Bouts n’a pas vraiment à s’inquiéter de l’attrait de La Réserve Resort.

“Hotel Business: En à peine un an et demi, vous avez réussi à obtenir le label 5* superior pour La Réserve Resort. Peut-on s’attendre – à l’instar de vos anciennes missions hôtelières – à une étoile Michelin pour La Rigue?
Yannick Bouts (YB): « La mission est différente. Nous ne cherchons pas à décrocher une étoile Michelin car ce n’est pas l’objectif. Nos clients sont au coeur de nos préoccupations. Le défi consiste à garantir une qualité constante. N’oublions pas que nous avons parfois beaucoup de couverts. Le samedi soir, nous dépassons facilement les 150 couverts. Le concept diffère de celui du restaurant étoilé qui ne dépasse généralement pas les 50 couverts. Certes, nous avons été mentionnés l’année dernière et c’est appréciable, mais ce qui compte pour nous, c’est de garantir une expérience 5* superior. Nous avons d’excellents plats gastronomiques à la carte mais aussi des croquettes de crevettes, bref un mix de a à z. »

HB: Avez-vous des inquiétudes quant à l’avenir de la haute cuisine en général?
YB: « Je ne m’inquiète pas pour la bistronomie car ça marche bien et il y a assez de monde. Mais combien d’établissements restent vides et souffrent à l’heure du déjeuner ? Nous parlons de prix comparables. Un restaurant étoilé réalise souvent un chiffre d’affaires inférieur par rapport à d’autres établissements qui affichent complet. Il est dommage que la gastronomie doive faire face à de telles difficultés alors que la structure des coûts est énorme. Là aussi, on attend de la perfection alors que dans d’autres établissements, on est plus détendu. Nous essayons de combiner la gastronomie et la bistronomie. Nous voulons aussi être accessibles, que nos clients puissent par exemple se garer facilement, ça aussi c’est important. »

HB: La Réserve Resort est un hôtel indépendant. Est-il question d’une adhésion à une chaîne, comme Relais & Châteaux?
YB: « L’établissement est totalement privé. Relais & Châteaux est un label de qualité – pas une chaîne – qu’un hôtel privé peut obtenir. Nous travaillons avec un autre label et notre intention est de nous internationaliser, mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Il n’y a pas encore de décision définitive, et ce n’est finalement pas un must : La Réserve Resort se porte très bien et nous n’avons pas vraiment besoin d’un label, ce qui ne nous empêche pas d’étudier la question. »

Business get away
HB: Dans un tel endroit, les loisirs parlent d’eux-mêmes, d’un autre côté, vous arborez le slogan ‘Perfect business get away’.
YB: « Pour nous, le B2B fait effectivement la différence et nous nous focalisons sur ce segment. Les loisirs ne sont pas un problème : quand il fait beau, la côte est bondée. En revanche, il est important d’attirer aussi le bon public du segment B2C. Nous essayons par exemple de convaincre les clients de venir un jour plus tôt à la côte et de repartir le lundi pour éviter les embouteillages du dimanche. »

HB: Les 4 salles Silver Lake ont une capacité de 250 personnes.
YB: « Globalement, nous pouvons accueillir jusqu’à 600 personnes lors de réceptions. Il s’agit d’une salle splendide qui peut être divisée en quatre parties. Cet espace existait déjà et l’entrepreneur Bart Versluys et l’architecte Glen Sestig l’ont agencé de manière grandiose. Avant, j’avais un problème car je n’arrivais pas à vendre cet espace. Je l’avais également constaté auprès d’invités qui venaient à des mariages, des fêtes d’entreprise, etc. Les salles Silver Lakes peuvent aujourd’hui accueillir des groupes jusqu’à 10 personnes et des événements rassemblant 200 à 250 personnes. »

HB: Le penthouse est loué sous forme de ‘pop-up’ au chef étoilé Nick Bril pour son “Celestial by The Jane”. L’objectif est-il de créer un pôle culinaire dans le sillage du Botanic Sanctuary?
YB: « Nous n’allons pas exploiter cinq restaurants car nous sommes très fiers de La Rigue. Considérez plutôt cela comme un test. Nous sommes une entreprise en démarrage et nous cherchons à optimiser chaque espace, comme nous l’avons fait avec la Signature Room: nous avons une collaboration avec D’Ieteren Luxury Performance et des marques de luxe comme Bugatti, Rimac, Lamborghini, Bentley et Maserati. Elles y exposent leurs modèles phares, tandis que nous proposons plusieurs formules comme la Bentley Butler Shopping Experience. La Réserve Resort s’efforce d’innover en permanence. Nick s’est trouvé par hasard sur notre chemin. »

Bienvenue à toutes et tous
HB: La présence de tels bolides coûteux ne renforce-t-elle pas l’image d’un hôtel réservé aux VIP?

YB: « Un VIP ou un couple ayant économisé toute une année pour venir à La Réserve Resort sont tout aussi importants à mes yeux. Tout le monde est le bienvenu! En effet, nous ne sommes pas l’hôtel le moins cher mais c’est logique quand on voit les matériaux de construction utilisés. Les propriétaires, Marc Coucke et Bart Versluys, ont investi des sommes conséquentes. Je trouve formidable que ces deux hommes puissent redonner quelque chose à la société, car c’est finalement de cela qu’il s’agit. »

HB: Ce sont des hommes d’affaires, qui recherchent aussi un retour sur investissement, non ?
YB: « S’ils l’ont fait pour gagner de l’argent, je ne pense pas que ce soit le bon projet. Ce sont des entrepreneurs, qui veulent aussi dévoiler leur pièce maîtresse. À Bruxelles ou à Gand, par exemple, il faut facilement compter 200 à 250 euros pour un hôtel 4* et vous n’avez qu’une chambre. Il n’y a pas d’espace wellness, ce qui représente 50 à 75 euros par personne. Le confort proposé ici est incomparable. La Réserve Resort possède notamment un voiturier et il y a de l’animation : si vous venez boire un soda le vendredi soir, vous aurez droit à de la musique live. Chez nous, vous pouvez réserver un lunch 2 services à 50 euros ou un repas 3 services à 65 euros. Vous serez installé sur la plus belle terrasse de Belgique et servi par un personnel nombreux. »

HB: Quels sont les grands points d’attention ?
YB: « A La Rigue, le degré de difficulté reste le personnel, certainement lorsqu’il y a beaucoup de couverts. Nous avons réussi a constituer une équipe stable et compétente, il s’agit maintenant garder tout le monde à son meilleur niveau.
Nous sommes chanceux car Bart et Marc nous ont livré un projet parfaitement abouti. Il faut veiller à ce que tous les maillons de la chaîne – le plongeur compte autant que le chef en ce qui me concerne – soient bien coordonnés. Cela peut paraître étrange, mais je pense que ma grande priorité est d’assurer l’avenir, de veiller à ce que nous ayons des successeurs. Très peu de personnes suivent les formations, pourtant passionnantes, et quand c’est le cas, elles partent souvent à l’étranger. C’est dommage car la Belgique regorge de sites magnifiques qui recherchent ce type de profils.
Aujourd’hui, je suis entouré d’une solide équipe de management de 15 personnes. En tant que general manager, je dois veiller à ce que les chiffres destinés aux actionnaires soient corrects, que les bonnes équipes soient en place et qu’elles travaillent ensemble. Je supervise également les opérations. Je ne reste pas dans ma tour d’ivoire mais je suis auprès des collaborateurs. Lors de l’événement La Réserve Club durant lequel le restaurant pop-up de Nick Bril a été annoncé, j’aurais normalement dû être présent à table en tant qu’hôte. Mais avec les 170 couverts et les changements de dernière minute, j’ai aussi apporté mon aide et mon soutien en tant que maître d’hôtel.
Quand le personnel ou les collègues sont en difficulté, je les soutiens totalement. À l’inverse, je ne suis rien sans eux. Nous travaillons 7j/7 et le neuf à cinq n’existe pas chez moi. Les clients paient le prix fort, ils doivent donc bénéficier à tout moment de l’expérience qu’ils sont venus chercher. »

De succès en succès
Yannick Bouts est general manager de La Réserve Resort à Knokke depuis le 1er juillet 2023. Né à Hasselt, il obtient son diplôme à l’Erasmus Hogeschool à Bruxelles. Il choisit la capitale pour relever le défi linguistique que représente le français.
Au cours de sa carrière professionnelle, Yannick Bouts s’intéresse d’abord aux chaînes hôtelières (Marriott & Crowne Plaza) pour acquérir plus de connaissances dans tous les domaines. Il s’acquitte avec sérieux de toutes les tâches qui lui sont confiées : de l’entretien des chambres au nettoyage jusqu’à la gestion du F&B, du restaurant et des achats.
Lors de l’étape suivante en sales management, Yannick Bouts rejoint Stars of Flanders, et l’emblématique Auberge du Pêcheur à Sint-Martens-Latem comme fleuron. Au sein de la famille Vermeersch, il développe le département sales & marketing en partant de zéro, puis prend progressivement la responsabilité de pratiquement tous les aspects de l’organisation. Il y reste pendant 8 ans et demi.
Il déménage ensuite à Leuven pour lancer The Fourth, un projet du regretté Jan Callewaert. Après trois ans et demi, il décide de faire un pas de côté et déploie son expertise en gestion hôtelière dans un autre secteur. Il devient administrateur de trois filiales chez Belisol, le spécialiste des portes et fenêtres.
De retour dans l’hôtellerie, Yannick Bouts devient directeur de La Butte aux Bois (à Lanaken) où il prépare la réorganisation. L’étape suivante l’envoie au Château de Vignée (à Rochefort) où on lui demande d’en faire un hôtel 5*, d’obtenir une étoile Michelin et de devenir membre de Relais & Châteaux. Tout a été concrétisé en peu de temps. En septembre 2021, Yannick Bouts rejoint le Château d’Ordingen où il se voit confier une mission similaire, qu’il relève également avec brio.

par Daniel Steevens I photos La Réserve Resort