Le financement participatif (crowdfunding) s’annonce-t-il comme le financement hôtelier de l’avenir?

Le rendement sous-performant des carnets d’épargne et des obligations, l’attitude souvent réticente des banques face aux projets d’investissement tout comme la -volatilité des cours des actions: ce ne sont là que quelques phénomènes économiques qui semblent mener au succès des formules d’investissement alternatifs, tel le financement participatif. Diverses plateformes présentent leurs produits en suivant des tactiques de vente actuelles-allant jusqu’à proposer des éoliennes en mer- et faisant miroiter un attrayant retour d’investissement. Le secteur hospitality est loin de faire exception à la règle. Quel est, dans ce contexte, l’état de la situation?

Le financement participatif est loin d’être une nouveauté. Déjà, aux Etats-Unis, dans les années ’50, les géants de l’hôtellerie tels les Marriott, les Hilton et les Intercontinental s’en prévalaient. A peine quinze ans après, le phénomène débarque dans nos contrées tout en restant partiellement dans l’ombre. Toutefois, le contexte économique actuel a suscité un véritable renouveau. Les pièces du puzzle se sont emboîtées. Notre sempiternelle brique dans le ventre est bigrement interpellée, d’autant plus qu’il apparaît toujours plus manifeste que la plupart des catégories dans l’immobilier résistent sans fléchir à tous les désastres survenus depuis le début de ce siècle. Par ailleurs, le financement participatif, en tant qu’alternative à la copropriété ‘courante’- principalement l’immeuble appartement -jouit du grand avantage de l’absence de charges (et de bon nombre de facilités).

Risqué et illiquide

Une kyrielle de mails et d’innombrables tentatives d’influence sur les médias sociaux, voilà le lot de celui qui s’intéresse à la promotion immobilière et à l’hôtellerie de manière générale. L’encadré qui accompagne cet article fournit un bref aperçu de qui est impliqué dans le financement partici-patif -hôtelier dans notre pays et de ce que celui-là comporte. Soyons clairs dès le début: aucun des promoteurs immobiliers cités ne se limite au secteur hôtelier, les projets immobiliers résidentiels demeurant -rimordiaux. 
Dans ce contexte, nous référons à une interview récente ( 25 juin 2019) dans le journal De Tijd avec Johan Krijgsman. Il est actionnaire principal d’ERA, le plus grand réseau d’agents immobiliers de notre pays. A la question s’il investissait dans l’immobilier alternatif, Krijgsman répondit par la négative : “L’immobilier résidentiel demeure le meilleur investissement et le plus sûr. Depuis cinq ans, je déconseille à mes amis d’investir dans des résidences-services, puisque je me rendais compte que ce marché était surévalué. Malheureusement, les faits m’ont donné raison car le segment est touché par l’inoccupation. Il en est de même pour les chambres d’hôtel. En fait, il s’agit là de produits d’investissement risqués et illiquides. Celui qui est prêt à prendre des risques fait mieux d’aller en bourse.”

A la côte et ailleurs

Le ton est donné. L’expression “Pas de roses sans épines” est pleinement applicable au financement participatif. Le revers de la médaille est lié entre autres au besoin d’une base beaucoup plus vaste. L’argent étant le nerf de la guerre, il en faut pas mal pour mener une solide campagne de marketing en faveur du crowdfunding. En effet, au cas où, pour une raison ou une autre,  la campagne échouerait, l’on se retrouve les mains vides, ayant perdu un temps précieux et des ressources considérables. Le crowdfunding convient donc beaucoup mieux à des groupes hôteliers chevronnés qui ont les reins solides. A moins d’être à même de débarquer, en tant que petit hôtelier indépendant, avec en poche une approche particulièrement originale.
Le renouveau de l’hôtellerie à la côte belge est soutenu financièrement pour une très grande part par le financement participatif qui afflue vers les hôtels du groupe Accor. Outre cet important ‘eyecatcher’, les Ardennes, notre deuxième grande région touristique forment le décor d’une avancée du crowdfunding, investissement spécifique s’il en est. Et c’est le Radisson qui emporte la part du lion.
Assisterons-nous à une ascension abrupte? L’avenir nous le dira, mais si nous pouvons nous fier aux précédents aux Etats-Unis, ce type de financement demeurera tout au plus complémentaire. Et en priorité opérationnel pour le financement de budget hôtels, plutôt que pour celui des hôtels de luxe.

Pas voix au chapitre

En général, les hôtels sont proposés par chambre. Accessibles, dès lors aux investisseurs particuliers qui font bien de disposer d’une somme rondelette. En échange leur est versé un beau pourcentage, suppléé dans certains cas d’avantages en nature, telle l’opportunité d’occuper la chambre pendant un certain nombre de jours. Cependant, les investisseurs n’ont pas vraiment voix au chapitre concernant cette chambre, a fortiori concernant le reste de l’établissement. En effet, l’usufruit qu’ils ont acquis est cédé à l’exploitant de l’hôtel. En revanche, ils sont débarrassés de toutes les préoccupations qui pourraient surgir à propos de la chambre: l’entretien, mais également l’occupation. L’importance de la commission pour le copropriétaire dépend généralement du chiffre d’affaires global de l’hôtel, déterminé, quant à lui par l’occupation globale.
Prenons un exemple: le promoteur immobilier Triple Living mise sur la réalisation d’un ‘price hotel’ de Radisson (144 chambres) situé sur ’t Eilandje à Anvers. Les prix à partir de 115.000 euros et un investissement qui s’étend sur une période de 25 ans. Le rendement net s’élève à 3,85 %, mais sera optimisé au-dessus de la barrière de 4 %-grâce à l’indexation.

Une atmosphère tabou

Il est clair que formellement, les campagnes de crowdfunding sont lancées par les promoteurs immobiliers et non par les groupes hôteliers. A l’étranger par contre, certains groupes hôteliers se profilent explicitement, tels les Lindner Hotels & Resorts, dont le siège est à Düsseldorf ainsi qu’un hôtel à Anvers et les Falkensteiner Hotels & -Residences, ayant leur siège à Vienne. En attendant, un certain nombre de questions cherchent toujours une réponse: dans quelle mesure le crowdfunding a-t-il acquis droit de cité et le grand nombre de campagnes ne suscite-t-il pas le risque qu’elles entrent en concurrence et qui sait qu’elles soient contra-productives, à la longue ? Ou dans le meilleur des cas, le marché est-il si vaste que le crowdfunding se profile comme le financement hôtelier de l’avenir ? 
De là notre intention d’effectuer un simple sondage auprès de quelques groupes hôteliers représentatifs pour disposer d’une vue d’ensemble des expériences et des perspectives en la matière. Notre recherche n’a pas abouti dans un grand succès, car dès le départ, il était manifeste que les groupes hôteliers sollicités étaient plutôt avares de commentaires. Compréhensible, d’une certaine manière, il n’est pas dans nos mœurs effectivement de parler ouvertement finances, mais nous avions voulu nous renseigner essentiellement sur les principes de la formule. Silence is golden? Ou la création d’une atmosphère tabou? Jadis, le concept de franchise donnait lieu à la même réserve, tandis qu’aujourd’hui, personne ne s’en formalise. A moins de disposer de suffisamment de moyens financiers pour se garder de tels investissements. 
Quoi qu’il en soit, l’attitude quelque peu hostile contraste fortement avec le style triomphateur de certains promoteurs et avec les communiqués lancés par ces groupes hôteliers à l’occasion de la tantième inauguration d’hôtel.

Un lease long term 

Heureusement, les jeunes entrepreneurs sont plus accessibles et font preuve de davantage de -franchise. Tel Paul Cordier, administrateur délégué de l’Utopian Hotel Collection, créé, il y a à peine un an: “Je suis un partisan fervent du crowdfunding. Preuve à l’appui, un certain nombre d’entreprises qui obtiennent de très beaux résultats. Cependant, je ne crois pas que ces exemples nous servent -vraiment, bien qu’à l’avenir, nous puissions éventuellement y référer.” 
Bien sûr, tous ne sont pas défenseurs du système. Un autre son de cloche nous est fourni par le Belge Pieter Willaert,  director sales & marketing du -Burasari Group Co., dont le siège se trouve à Bangkok et disposant de plusieurs brands en Thaïlande et au Laos.  “Nous ne pratiquons pas le crowd-funding proprement dit. Nous possédons des -hôtels et nous en avons en gestion. Pour certains hôtels, il y a un coactionnaire, d’autres fonctionnent en mains propres ou en lease long term (de 10, 12 ou 15 ans). A mon sens, le crowdfunding est une structure discutable. Trop d’avis et trop de personnes concernées, ce n’est jamais une idée de génie. Pour la réalisation d’un projet, nous avions à notre disposition une dizaine de commandi-taires, mais nous avons patienté et trouvé un ‘major -investor’. Le lease long term peut être considéré comme une tendance en Indochine. Ainsi, l’on -évite les problèmes de titres de propriété et autres, puisqu’en tant qu’étranger, il n’est pas commode d’y acquérir des biens.”

Auteur et photo: Daniel Steevens  

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