Le défi de la durabilité

Lors de la dernière édition du salon Horeca Expo, la formation ‘Gestion hôtelière’ de ‘AP Hogeschool’ a organisé son colloque, devenu une tradition. Ce fut une édition spéciale, car tous les étudiants en Gestion hôtelière de l’école supérieure y ont participé, d’une façon ou d’une autre, en collaboration avec ‘Foodservice Community’ et le ‘Radisson Hotel Group’. Découvrez le résultat ci-après.

Sur la bonne voie, mais beaucoup de possibilités d’amélioration

Voilà la conclusion qu’on pourrait tirer de l’analyse de notre secteur en matière de durabilité. Il ressortait de l’enquête en ligne de ‘Foodservice Community’ qu’un peu plus des trois quarts des personnes interrogées (573 sondés) des entreprises Horeca trouvent la durabilité importante. L’utilisation de produits saisonniers (34%) et la réduction des déchets (18%) arrivent en première position. L’enquête face-to-face dans le secteur par les étudiants de la première année Gestion hôtelière (191 sondés) a aussi révélé qu’outre l’énergie durable, les initiatives relatives à la consommation et l’économie d’eau ainsi que l’utilisation de matériaux durables retiennent aussi toute l’attention.

Voilà sans doute une indication qu’on se rend parfaitement compte que ces trois derniers domaines demandent également une approche plus durable, mais que les efforts se situent provisoirement dans des domaines faciles à réaliser : réduire les déchets et utiliser des produits saisonniers.

L’effort consistant à participer au développement d’un monde durable permet aussi de réaliser des économies, certainement à terme. Toutefois, on passe outre à trop de choses, semble-t-il. Pas plus de 65% des sondés en ligne a remplacé les lampes à incandescence par des ampoules led et 27% seulement utilise des appareils permettant de faire des économies d’énergie. Cela correspond aux résultats de l’enquête face-to-face, avec un score plutôt faible en matière d’isolation et de numérisation (réduire la consommation de papier). A l’avenir, il faut se focaliser sur ces 5 actions principales : utiliser moins de plastique (55%) et moins de matériaux d’emballage en général (51%) ; moins de gaspillage alimentaire (50%), plus d’achats locaux (37%) et recycler davantage (25%). L’action, citée auparavant comme importante – économiser de l’eau – ne figure même pas du tout sur la liste !

Labels de qualité, marques, certificats… On n’aime que ce qu’on connaît

67% des sondés estime qu’un label de qualité est important, mais il y en a aussi 41% qui avoue ne connaître aucun label et 1 sur 4 seulement en connaît trois ou plus, alors qu’il y en a des dizaines. La notoriété assistée (de la marque) établie via l’enquête en ligne donne de meilleurs résultats, mais il y a aussi des constatations inattendues. Près de 20% des sondés ne connaît pas Fairtrade, alors que e.a. les bananes Fairtrade et le café sont présents sur le marché depuis des années. Bio subit le même sort : plus de 30% ne le connaît pas et 5% seulement situe végétarien dans le cadre de la durabilité. Etonnant. En outre, quelque 10% des sondés qui connaissent le label de nom n’en connaît malheureusement pas la signification. Ces deux constatations expliquent en partie pourquoi le recours effectif à ce genre de produits n’est pas très important. Seulement 48% des sondés achète parfois des produits biologiques et pas plus de 21% utilise toujours du café/thé durable. Le prix d’achat souvent légèrement plus élevé des produits durables joue bien sûr un rôle, mais de moindre façon qu’on ne pourrait penser. Moins d’un quart des sondés considérait le prix d’achat comme un obstacle.

Combien de labels (re)connaissez-vous ?

Couronner ses propres efforts avec un certificat n’est pas à l’ordre du jour pour beaucoup. Même le certificat GreenKey/Clé Verte, renommé depuis aux quatre coins du monde, n’est connu que par 17% des sondés face-to-face et 35% des sondés en ligne (dont à peu près un sur trois ne sait pas non plus ce qu’il représente). Seulement 10% connaît Green Globe, seulement 7% la norme SR10 … La majorité des sondés ne connaît aucune des certifications qui leur sont soumises.

Dans ce contexte, l’existence de ‘Sustainable Development Goals’ (SDGs) est, heureusement, assez bien connue (29%). D’autres outils et aides sont à peine connus ou pas du tout dans notre secteur : Baromètre de la Durabilité, Échelle de performance RSE, ISO 26000, scan RSE…

Quelle est la motivation de l’hôtelier engagé ?

Outre une connaissance insuffisante des labels, des certifications, des outils et des différents aspects de la durabilité en général, il y a d’autres obstacles sur le chemin de la durabilité. L’excès d’emballages (43%), les prix élevés des aliments durables (20%) et le manque de support du côté des autorités (13%) par exemple. Mais il y a aussi le comportement peu durable de l’hôte qui laisse trop d’aliments sur son assiette (16%) ou le fabricant qui ne fait guère d’efforts pour produire des appareils permettant de faire des économies d’énergie (5%).

Nous ne nous laissons pas décourager complètement et nous semblons toutefois avoir quelques motivations intrinsèques. Les efforts dans le domaine de la durabilité concernent surtout des actions en faveur de la nature et de l’environnement (37%), et pour aider les fermiers à gagner un revenu correct (14%). Ainsi, nous essayons aussi d’améliorer la qualité de notre entreprise (16%), nous acquérons aussi de meilleurs produits pour nous en servir (11%) et nous pouvons servir des repas plus sains (9%). Voilà ce que les clients attendent de nous (7%).

Nous avons donc la volonté de faire de notre mieux et nous faisons davantage attention par exemple au tri sélectif des déchets (60%) et nous transformons davantage les restes des aliments (27%).  Nous servons davantage d’eau du robinet (35%), proposons des portions variables (33%) ou laissons emporter les restes dans un ‘doggybag’.

Les initiatives citées par les sondés semblent être très fragmentaires. Ce qu’on fait réellement, ce qu’on veut faire, la motivation de le faire ….. c’est très divergent et tout semble parfois contradictoire. On veut par exemple des appareils qui permettent de faire des économies d’énergie, mais en même temps, on ne fait souvent pas d’efforts pour limiter précisément cette consommation (44% n’utilise jamais la gestion de l’alimentation d’un ordinateur). Nous voulons donner un revenu correct aux fermiers, mais estimons que les produits durables sont trop chers.

Pour plus de résultats, consultez www.foodservicecommunity.be

Où trouver l’inspiration ?

La question “de quelle manière vous informez-vous sur les développements en matière de durabilité ?” a révélé un résultat intéressant. Egalement pour ce thème pourtant “moderne”, l’entrepreneur a avant tout  recours à des canaux classiques pour s’informer. Il trouve son inspiration aux salons (professionnels), dans des magazines spécialisés, à la fédération sectorielle ou via les grossistes et, évidemment sur “internet”. Les organisations qui se définissent comme des spécialistes/inspirateurs/pionniers en matière de durabilité ne sont guère cités.  On n’aime que ce qu’on connaît ? Ou y a-t-il la crainte que les solutions proposées ne soient pas adaptées au secteur ? Rien n’est moins vrai : les initiatives en matière de durabilité venant d’autres secteurs peuvent être particulièrement inspirants.

Tell your story !

Lorsque nous prenons des initiatives, cette information n’est pas partagée suffisamment avec nos hôtes. De nombreux sondés ne communiquent tout simplement pas au sujet de la durabilité (plus de 40%). Lorsqu’on communique effectivement, c’est par le biais de canaux très divers (site internet, médias sociaux, lobby/hôtel/réception, chambre d’hôtel, mail, dépliant/brochure…). Cette approche est confirmée par les étudiants de troisième année de l’école supérieure AP. Ils ont examiné la communication des hôtels sur la durabilité, avec ISO 26000 comme référence. Ils ont constaté que quelque 65% communique effectivement au sujet de leurs initiatives, mais leurs initiatives se limitent trop souvent aux thèmes de l’environnement, alors que différents autres aspects relatifs à la durabilité ne sont pas abordés ou à peine. Plus spécialement les hôtels indépendants donnent très peu d’informations au sujet de leurs initiatives.

Même au sein de l’entreprise, l’information sur ce thème est très limitée. Seulement 11% affirme aborder ces thèmes oralement pendant le travail ; 7% le fait à l’occasion de meetings/réunions et 4% par briefing.

Cette communication interne limitée ne contribue pas à une recherche de durabilité, soutenue par l’ensemble de l’entreprise alors que la communication externe limitée ne permet pas de se profiler/se distinguer, encore moins d’être évalué positivement par différentes parties prenantes.

From good…

L’un des meilleurs acteurs dans le domaine de la durabilité est le Radisson Hotel Group. Sven Wiltink, Director Responsible Business EMEA, a expliqué en détail quelle est l’approche du groupe hôtelier dans le domaine de la durabilité.

Tekstvak:

Radisson Hotel Group adhère à ‘International Tourism Partnership’ et a souscrit aux ‘2030 Hotel Industry Goals’. Ils ont développé leur propre ‘Sustainability Program’ basé sur 3 piliers : Think People (Un environnement sûr pour l’hôte et le personnel et être le leader mondial en ‘business ethics’) ; Think Community (faire profiter chacun des efforts par le biais de contributions à la communauté mondiale) et Think Planet (pour une meilleure planète pour chacun avec un impact minimum sur l’écosystème). Ce qui a conduit très vite à des résultats remarquables. RHG fait partie, pour la neuvième année consécutive, des entreprises les plus éthiques au monde ; le personnel de RHG a travaillé bénévolement pendant plus de 29.000 heures et 1 million d’euros ont été versés à des oeuvres caritatives ; 34 hôtels fonctionnent déjà à base de 100% d’énergie renouvelable.

RHG a intégré cette approche dans l’ensemble de l’organisation RHG et vise haut pour soi-même. Conférences 100% neutres en carbone, focus sur 100% d’énergie renouvelable, 100% sans plastique à usage unique… l’ambition n’est pas des moindres. Bien sûr, RHG ne regarde pas que soi-même, mais a l’oeil pour tous les ‘Sustainable Development Goals’ des Nations Unies. Le projet WASH contribue à garantir l’eau potable, le sanitaire et l’hygiène à chacun et ils soutiennent SOS Children Villages.

RHG veut collaborer à établir le standard pour ‘Responsible Hotel Business’ à l’échelle mondiale et mobilise toutes les catégories du groupe hôtelier. La communication et l’entraînement internes motivent et encouragent le personnel à collaborer activement. La communication externe (https://www.radissonhotels.com/responsible-business) informe au sujet des programmes et des réalisations et inspire tout le secteur à s’engager dans la réalisation d’une hôtellerie durable.

…to better…

Mais tout est susceptible d’être amélioré, donc les hôtels belges du Radisson Hotel Group étaient ouverts aux suggestions d’amélioration. Les étudiants de la deuxième année se sont mis au travail avec le scan RSE de ‘MVO Vlaanderen’ et à partir de leurs expériences, ils ont formulé des suggestions d’amélioration destinées aux managers d’hôtel. Pour tester leurs propositions par rapport au contenu et à la faisabilité, ils ont engagé la discussion, pendant le colloque, avec une douzaine d’experts dans ce domaine. Il en est sorti, selon le Radisson Hotel Group, plusieurs propositions intéressantes qui seront désormais développées au niveau interne.

Cette approche est-elle uniquement possible pour les chaînes d’hôtels ? Ou faut-il également conseiller à d’autres hôtels de partir à la recherche de soutien et de collaboration à l’extérieur de l’hôtel pour progresser mieux et plus rapidement sur la voie de la durabilité ? Le panel d’experts ne laisse pas de doute à ce sujet : “C’est l’affaire de TOUTES les entreprises horeca et de chaque sous-fonction au sein d’elles. Uniquement lorsque nous collaborons tous et nous nous entraidons, l’horeca pourra progresser en durabilité à un rythme rapide. Cela vaut tant pour les acteurs actifs dans l’horeca que pour toutes les parties prenantes. Le geste d’ouverture de la part de RHG est exemplaire à ce sujet et donc particulier, certes.” D’après Guido Francque. Bie De Keulenaer de ‘MVO Vlaanderen’ (Gouvernement flamand) confirme : la coopération porte ses fruits. “Pourquoi les hôteliers ne collaboreraient-ils pas davantage avec les formations en hôtellerie et/ou tourisme ?” Lançant ainsi un appel chaleureux…

Lessons learned

Les hôtels prennent des initiatives pour contribuer au développement d’un monde meilleur. C’est une bonne chose. Mais en même temps, on ne peut pas dire que le secteur fasse preuve d’enthousiasme. On reste sur place avec les actions devenues presque évidentes avec un RSI rapide dans le domaine devenu évident : l’environnement. Economiser de l’eau, panneaux solaires, lampes économiques, achats locaux, etc.

La notion de la durabilité, et surtout ce que cela peut représenter concrètement, semble être trop limitée pour prendre des initiatives qui vont plus loin que cela. On donne aussi l’impression d’attendre la participation des autorités, des fournisseurs et de l’hôte lui-même. Il est logique qu’eux aussi vont – devoir – jouer un rôle, mais si tous restent dans l’expectative des autres… 

En outre, on omet de communiquer sur ce qu’on fait déjà. Cela n’encourage ni l’hôte ni les partenaires à apprécier les efforts fournis ni à s’engager dans la même voie.

Il reste tellement de possibilités et tout semble confirmer que la collaboration est la meilleure voie pour réaliser un progrès rapide. Ensemble : les hôtels entre eux, les hôtels avec les hôtes, les hôtels avec les fournisseurs, les hôtels avec – pourquoi pas – les groupes d’action, les hôtels avec les associations sectorielles, les hôtels avec les autorités… Collaborons ensemble pour mettre sur pied 20 bonnes initiatives durables en 2020 !

Vous trouvez un article détaillé, avec d’autres interviews sur 

https://www.ap.be/opleiding/hotelmanagement

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