Bienvenue dans l’ère de l’hôtel robotisé?

L’intelligence artificielle (I.A.) a été l’expression sur toutes les lèvres en 2017. C’est tout bonnement un fait : l’intelligence artificielle se développe à toute vitesse. Ce qui semblait encore relever du domaine de la science-fiction il y a quelques décennies devient de plus en plus réalité. Dans l’hôtellerie, l’intelligence artificielle est surtout appliquée dans les processus de recherche et dans la communication en ligne. Mais l’application la plus spectaculaire de cette technologie concerne bien évidemment les robots que l’on rencontre désormais à la réception, ce qui pousse même d’aucuns à craindre que les robots prennent un jour le pouvoir dans les hôtels. Nous n’en sommes pas encore là mais il est important, à ce stade, de se demander si le recours à l’intelligence artificielle dans le secteur hôtelier constitue une opportunité ou plutôt une menace.  

Hôtels robotisés

En 2015, l’hôtel Henn-na, qui s’autodéfinit comme le ‘tout premier hôtel robotisé au monde’, a ouvert ses portes dans la ville japonaise de Nagasaki. Dans cet hôtel (‘Henn-na’ signifie ‘étrange’ en Japonais), le client peut voir une dizaine de robots ‘au travail’ mais on prête à l’exploitant l’intention qu’à l’avenir, 90% de son personnel soit composé de machines. Chez Henn-Na, les robots n’ont pas tous une apparence humaine. Celui qui ressemble le plus à un être humain est la ‘réceptionniste’ au teint quelque peu diaphane et au regard plutôt vitreux. Ce robot est capable d’expression au niveau du visage, semble respirer et cligne des yeux. Il utilise par ailleurs une gestuelle (certes un peu raide) et regarde le client droit dans les yeux lorsque celui-ci lui parle. Il est capable de répondre dans quatre langues : l’anglais, le japonais, le chinois et le coréen. Si vous prévoyez de séjourner dans cet hôtel, sachez par ailleurs qu’il est possible que votre enregistrement soit effectué par un ‘collègue’ de ce robot à qui on a donné l’apparence – je ne l’invente pas – d’un dinosaure. 

Les autres robots ressemblent moins à l’être humain. Ils font davantage penser aux machines que l’on trouve dans les usines. Vous avez par exemple un bras robotique qui range les effets et valises de valeur des clients dans un vestiaire. D’autres robots transporteurs conduisent les bagages jusqu’aux chambres et il y en a même des robots nettoyeurs. Dans leur chambre, les clients trouveront un petit robot en forme de poupée qui peut allumer la lumière sur commande et répondre à des questions simples. Qui plus est, la porte de votre chambre ne s’ouvrira qu’après que ce robot a reconnu l’expression de votre visage. Enfin, votre chambre est équipée d’un thermostat capable d’enregistrer votre température corporelle et d’adapter la climatisation en conséquence. 

Le propriétaire de l’hôtel assure que ce recours à des robots n’est pas un caprice de geek. L’objectif consiste à innover, à réduire les coûts et à maintenir les prix des chambres à un niveau bas. 

Henn-na est l’hôtel qui va actuellement le plus loin en matière de robotisation mais il n’est pas le seul hôtel à expérimenter cette filière. Dans deux hôtels du groupe américain Aloft (à Cupertino et Brook-lyn), le room-service est assuré par un robot prénommé Botir. Et à Gand, le Marriott Hotel dispose en la ‘personne’ du robot humanoïde Mario d’un collaborateur bien singulier. Mario parle la bagatelle de 19 langues et est équipé de deux caméras et d’un logiciel de reconnaissance faciale, lui permettant de reconnaître les clients de l’hôtel pendant six mois. Mario est notamment utilisé à la réception afin de souhaiter la bienvenue aux clients et de leur remettre la clé de leur chambre. Mario accompagne par ailleurs les hommes d’affaires jusqu’aux salles de réunion et est même capable de donner une présentation PowerPoint.   

Vers une guerre entre l’homme et la machine ? 

Les exemples ci-dessus démontrent que les robots humanoïdes utilisés dans le secteur hôtelier sont davantage que des gadgets sophistiqués. À l’heure actuelle, la communication avec les robots s’effectue en grande partie via des boutons, une souris et un clavier. Les tentatives de rendre les interactions entre l’homme et le robot plus naturelles, en y ajoutant du langage, des gestes et des émotions, se heurtent à davantage de difficultés. Développer un robot capable de détecter tous ces signaux est un processus qui n’a rien d’évident. Actuellement, c’est dans les situations où les inter-actions sont assez bien délimitées que les robots fonctionnent le mieux. Les robots utilisés en hôtellerie sont capables aujourd’hui de demander des données personnelles ou un numéro de chambre et de répondre à des questions succinctes comme ‘Où se trouve le restaurant ou le bar ?’ mais ont toujours du mal à comprendre des phrases complètes et, a fortiori, des raisonnements complexes. Qui plus est, Mario et la ‘réceptionniste’ de l’hôtel Henn-na (qui, en tant que ‘femme’, est pourtant censée être capable de multi-tasking) ne sont pas capables de se concentrer sur plusieurs choses en même temps. Contrairement aux êtres humains, ils ne sont pas non plus flexibles. La crainte de voir des robots diriger, à terme, les opérations dans les hôtels paraît dès lors dénuée de tout fondement. Le jour où Son Altesse artificielle deviendra un système intelligent au point de dominer le monde est effectivement encore très éloigné de nous. Ce n’est pas demain qu’éclatera une ‘war with the machines’, dès lors, et ce même si les ordinateurs et moi entretenons depuis un bon moment des relations plutôt hostiles… 

Plus que la robotique

L’intelligence artificielle est loin de se limiter aux robots et à la robotique. En réalité, nous sommes tous les jours en contact avec l’intelligence
artificielle. Pensez par exemple aux filtres à spams qui mettent de l’ordre dans votre boîte à courriels ou à la manière dont Google et Facebook organisent les fils d’actualités ou les résultats des recherches. Les voitures capables de se garer elles-mêmes, les itinéraires dynamiques ou la reconnaissance vocale sont d’autres exemples relevant de l’univers de l’intelligence artificielle. Les machines ont gagné en intelligence mais ici aussi, cela ne vaut que pour des domaines ‘étroits’, où les programmes informatiques et leurs algorithmes sont déjà beaucoup plus rapides et complets que le cerveau humain. Mais comme avec la robotique, nous sommes encore très éloignés du stade de l’intelligence ‘large’, à l’aise et performante dans tous les domaines. 

Intelligent, numérique et personnel

Dans l’hôtellerie, l’intelligence artificielle est surtout appliquée dans les processus de recherche et la communication en ligne. On parle ici surtout d’expériences captivantes où l’on s’attelle avant tout à prédire le comportement du consommateur. Les observateurs de tendances s’attendent à ce que le futur soit ‘smart, digital and personal’. En tout cas, le client de demain sera de plus en plus actif et voudra toujours utiliser les technologies numériques et mobiles. L’Internet des objets (où tout est relié à un réseau et où des données peuvent être échangées) et les smart data deviendront demain réalité. 

D’ailleurs, le législateur commence à s’intéresser à la manière dont les entreprises traitent leurs données et communiquent avec leurs clients. Dans le cadre de la protection des données et de la vie privée, l’Union européenne a élaboré une série de lois sur le thème de la sécurité des données. Ailleurs dans ce magazine, vous pourrez lire un article consacré à la directive européenne en matière de General Data Protection Regulation (GDPR), qui entrera en vigueur le 25 mai 2018.

Pour autant, l’hôtellerie n’aura pas d’autre option que de suivre l’évolution rapide en matière de smart data. Plus que jamais, les hôtels sont voués à se mettre à l’heure du numérique et de l’interactivité et à répondre aux demandes de leurs clients (futurs). L’intelligence artificielle est déjà une réalité pour les systèmes back-end, dont l’efficacité peut être accrue et les coûts réduits grâce à des applications intelligentes.   

Mobilité, rapidité et expériences clients

La mobilité et la rapidité sont appelées à devenir des notions essentielles. Les gens disposent ainsi pour la plupart d’un smartphone, qu’ils utilisent de plus en plus souvent afin de rechercher des informations sur des voyages et des hôtels. Qui plus est, tout doit aller très vite. Des études ont en effet démontré que plus de la moitié des visiteurs d’un site web vont voir ailleurs si le chargement de ce site dure plus de 3 secondes. 

Les clients du secteur hôtelier se montrent aussi de plus en plus exigeants en matière de ‘customer experiences’. Le client est au centre du jeu et les hôtels doivent s’adapter en conséquence.

I.A.: La fin du monde est-elle proche ?

Certaines personnes vivent toujours avec la peur de voir des machines équipées d’intelligence artificielle prendre le pouvoir. D’après une étude réalisée par l’organisation de voyages d’affaires Egencia, 30 % des personnes qui voyagent pour affaires penseraient même que l’I.A. sonnera le glas du monde tel que nous le connaissons. Par contre, plus de la moitié (55 %) des voyageurs d’affaires pensent que l’intelligence artificielle permettra d’améliorer l’expérience du voyageur. Les avis sur la question sont divisés, dès lors, mais toujours est-il que les entreprises du secteur touristique et les hôtels commencent tout doucement à investir dans l’I.A., surtout en Asie (Inde, Chine et Japon). 

Cette évolution est inéluctable et sera orchestrée par le client lui-même. Dans un avenir proche, les marques et la fidélité du client seront systématiquement testées à l’aune de l’expérience (personnelle). Les voyageurs et les clients du secteur hôtelier s’attendent de surcroît à ce que cette expérience soit connectée (sans fil), instantanée (maintenant), personnelle (moi), sûre (fiable) et captivante (attrayante). Les apps, produits et applications du futur devront par conséquent répondre à ces aspirations pour que le succès soit au rendez-vous (exemples : WeChat, Uber, Netflix, Skyscanner, Tripadvisor, Google Maps etc.). Les systèmes d’I.A. actuels sont principalement constitués de 3 composantes : interfaces virtuelles, automatisation numérique et données analytiques prédictives (predictive analytics). 

Un exemple d’application est fourni par le chatbot, un interlocuteur automatisé qui fonctionne sur la base d’un logiciel de reconnaissance des formes et de la voix. Les chatbots présentent un haut degré d’automatisation. Si on les utilise dans l’hôtellerie, cela voudra dire que l’hôtelier pourra envoyer aux voyageurs des devis grâce auxquels une réservation pourra par exemple être remplacée automatiquement sans que l’hôtelier lui-même doive encore intervenir. De telles applications n’en sont qu’à leurs premiers balbutiements mais ces chatbots pourraient être des prototypes des ‘assistants de voyage numériques’ du futur. Autre nouveauté en matière d’application I.A. : les plateformes numériques, qui juxtaposent pour ainsi dire un univers virtuel au-dessus du monde réel. Ces applications conviviales et transparentes peuvent être synonymes de travail sur mesure et de meilleure expérience pour les clients. 

L’expérience personnelle sera, demain, un facteur clé de succès pour le secteur de l’hôtellerie (‘my digital skin’). Aujourd’hui et plus encore demain, les clients des hôtels veulent que les machines les reconnaissent comme des personnes uniques afin de pouvoir se voir proposer des solutions sur mesure collant au plus près à leurs aspirations personnelles. Envisagée de la sorte, c’est-à-dire comme un nouveau canal permettant de mieux répondre aux besoins personnels du consommateur, l’I.A. paraît déjà moins effrayante. Et le spectre d’un ‘Big Brother’ ou d’un ordinateur hyperintelligent prenant le pouvoir sur l’humanité s’éloigne ainsi à grandes enjambées… 

Auteur et photos: Peter Van Oyen

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